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 Sujet du message: Lettre à mon amie TERF
Message non luPosté: 21 Fév 2021 14:22 
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Localisation: Pays de la Loire
Féministe jusqu’au bout de mes tout petits tétons, je voulais t’écrire à toi qui est mon amie et qui jusqu’à aujourd’hui ne comprend pas pourquoi ton combat est aussi le mien.
Mon histoire ne regarde que moi et je ne prétendrai pas faire de ma dysphorie une réalité qui nous touche toutes. Cependant, je sais que nombre de mes copines vivent la même chose que moi. Alors voilà…

Un jour, nous prenons conscience qu’il y a des différences entre nous. Alors qu’il ne devrait y avoir que des enfants, on découvre qu’il y a des religions différentes, des couleurs de peau et des genres qui nous séparent. Dans nos imaginations fertiles où nous pouvons être qui nous voulons, moi je suis une fille… et pas n’importe laquelle, je suis la brune des « drôles de dames » parce qu’elle est intelligente, forte et qu’elle sait faire plein de choses… En plus elle a les cheveux courts comme moi. Du moins c’est l’image qu’il m’en reste dans mon imaginaire, parce qu’à l’époque je ne vois que le modèle et pas le sens. Alors que les groupes se forment à l’école, je suis toujours avec les filles dont je partage les jeux et les histoires.

Un jour, nous quittons le jardin d’Eden pour une pauvre pomme. Moi, je quitte mon jardin parce que je n’ai pas le droit de mettre des robes et que je ne vais pas dans les bonnes toilettes à l’école. Un jour une garce dont j’ai heureusement oublié le prénom, me sort de mon jardin à la récréation parce qu’elles font des trucs de filles. Je revois la scène. C’est la première fois que la chanson du « qui veut jouer avec moi » ne marche pas, en tous cas aussi mal. Les garçons font des « trucs de garçons » qui me lassent vite alors je quitte le groupe. Les copines sont assises dans la cour en cercle. Je m’approche sans savoir que je vais me prendre la claque de ma vie : « Tu peux pas, t’es pas une fille ». Et moi bien gentille je vais pleurer dans mon coin en me disant qu’elles doivent avoir raison.

« Tu peux pas, t’es pas une fille ». Ça, il va en falloir du temps pour le digérer. Et la digestion se passera toujours mal. Pourtant, j’en ai fait des efforts pour être une fille pendant tout un temps… J’ai demandé aux copines de m’apprendre la danse classique et je me suis armé de courage pour demander une paire de collants à mes parents que je portais sous mon survêtement pour que la fille de l’intérieur le soit un petit peu à l’extérieur. Tu imagines la Sabrina des « Drôles de dames » faire des entrechats en tutu ? Mais si c’était le prix à payer pour retourner au jardin d’Eden, alors j’étais prête à le payer.

Évidemment, c’étaient de mauvaises réponses à une vraie question. Plutôt que d’intérioriser ma dysphorie, j’aurais dû avoir le courage de dire « Moi aussi j’y ai droit, car je suis une fille », mais c’était trop tard et j’avais déjà compris que mes démarches ultérieures n’auraient pas grand succès auprès de mes parents, pas plus qu’auprès des copines…
Alors vers mes 8 ans, j’ai commencé à avoir des copains et à m’adapter à ma condition de fille manquée. J’ai ensuite assimilé auprès des copains que les filles c’était nul et que c’était la honte d’en être une. Il y avait même une chanson pour ça si on était trop dans l’émotion ou si l’on pleurait : « T’es une fiiiilleeeeu ». Sans compter sur tes parents parce que tu pleures un peu trop te balancent des « tu ne vas pas pleurer, t’es pas une fille ! ».

Voilà, j’ai tout gagné… j’ai perdu mon jardin et je n’arrive pas non plus à être dans la cour. Si j’avais eu le courage de Sabrina, je leur en aurais bien mis un coup de pied dans leur cerveau de l’entrejambe… et j’aurais rejoint le groupe dans lequel quelque chose me dit que j’appartiens avec un joli doigt d’honneur verni. Mais j’ai toujours été une petite fille trop gentille, sensible et un peu suiveuse. Alors j’ai fait grandir la honte, les compulsions et les mauvaises adaptations en tentant de tenir le rôle de mes chromosomes du mieux que j’ai pu.

Mon rêve, c’était d’être une fille forte, montrer que les femmes savent faire plein de choses, être une guerrière. La Sabrina de mon enfance ne m’a jamais quitté. Au début, je l’ai fait pour moi parce que je n’avais pas encore complètement assimilé ma chute. Arrive l’adolescence qui sonne le glas du champ des possibles. Avoir un gabarit de danseuse soigneusement entretenu ne suffit plus pour ne pas passer pour un garçon et progressivement j’arrive à un statut « d’homme » qu’heureusement pour mon équilibre psychique je n’ai jamais pris au sérieux.

Alors oui, j’ai compris à ce moment ce que tu appelles le patriarcat. Les choses tellement faciles qui nous viennent toutes cuites juste pour du poil au menton ou un prénom sur un CV. J’ai compris que si je faisais une carrière dans l’armée, je ne serais qu’un pion de plus dans la suprématie du « mâle blanc ».

Tu sais, ô, mon amie TERF, nous sommes d’authentiques espionnes pour la plupart que la testostérone n’a pas réussi à faire craquer, mais il nous faut un peu de temps pour assimiler tout ça. Une honte de plus aurait été de continuer à laisser faire ça et de voir mes « sœurs » continuer à vivre le plafond de verre, bien planquée derrière mon costume-cravate. Ton combat est le mien.

Un jour j’étais à côté de mon « moi » rêvé dans le TGV. Elle avait bien 15 ans de moins, brune aux cheveux courts qu’elle cachait sous son bonnet, un sweat-shirt à capuche noir, un jean avec des ourlets savamment placés pour voir ses Dr Martens noires. Sa seule concession était un peu de mascara noir pour ajouter de la profondeur à son regard. Elle regardait sa série « Sons of Anarchy » en cachette comme si elle devait en avoir honte. Tout sonnait l’indépendance, l’attitude rebelle et la féminité sans effort en mode « pas touche, sinon je mors ». J’avais juste envie de lui dire que j’étais fière d’elle et de ce qu’elle représentait… mais comme d’habitude je n’ai rien dit. J’espère juste qu’elle le ressent au plus profond d’elle-même et qu’elle sera heureuse dans sa différence.

Vois-tu mon amie TERF, il existe autant de variétés femmes trans que de femmes. La différence est qu’il nous faut exagérer sur les stéréotypes genrés pour que le commun des mortels voie à l’extérieur ce que l’on ressent à l’intérieur. Excuse-nous si l’on craque trop sur les chaussures à talons, le rose ou l’utra mignon. C’est juste que nous en avons été privées depuis notre enfance et que notre combat à nous est d’appartenir au groupe. Je rêve encore de ma chambre de « vraie fille » pour pouvoir t’y inviter et discuter jusqu’au bout de la nuit de tout et de rien, de l’injustice du monde qu’il nous faut changer.

Si le plafond de verre explose pour toi, il explose pour nous toutes. Si les avantages du patriarcat disparaissent, je connais nombre de femmes trans qui n’auront pas à avoir peur de vouloir faire partie du « club des femmes » de peur de perdre le peu de sécurité que nous avons dans notre monde d’incertitudes et de compensations.

Je ne comprends pas ta détestation de ce que nous sommes alors que nous pourrions détruire le modèle de l’intérieur. Parce qu’équité n’est pas égalité. Et puis, sache aussi que pour nous le vrai danger, celui qui peut nous amener à la tombe, vient des hommes pour la plupart tout comme toi.

La raison de ma dysphorie m’est obscure et je pense que je ne la trouverai probablement pas. En attendant, je continuerai à défendre nos droits, ta santé et tes choix que tu me détestes ou non, que tu acceptes les miens ou pas.

Allez, je t’embrasse sans rancune.

_________________
Poulette Inside.
Qui sommes-nous si l'on ne peut parler avec notre coeur ?


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