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Coccinelle sur le tard tenait un petit restaurant à Marseille.

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Meneuse de revue, actrice, chanteuse… Coccinelle fut surtout la première égérie trans en France. Une artiste flamboyante et combative qui ouvrit la voie sur fond de paillettes et de gloire.
Par
Caroline Six
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Coccinelle n'est pas devenue une femme elle l'a toujours été. Son vrai combat aura été de le faire accepter. Et avec quel panache ! « Je suis féminine jusqu'au bout des ongles, mais j'ai toujours vécu comme un général, sans me laisser marcher sur les pieds », annonce dans son autobiographie* celle qui fut la première star française, à la fin des années 1950, à se faire « rectifier » (selon sa formule) et à le revendiquer. Avant de devenir Jacqueline Charlotte Dufresnoy aux yeux de la loi, puis de se marier à l'église et en robe blanche signée Guy Laroche devant un parterre de célébrités et de journalistes médusés par sa beauté. De justes noces aux allures de couronnement, point d'orgue d'une série de victoires arrachées à la société à grands coups d'audace et de charme.

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https://www.komitid.fr/2016/05/21/onze- ... elle-meme/

Coccinelle – de son nom de meneuse de revue – n'avait peur de rien si ce n'est des esprits, et c'est dans une profusion d'organza parfumé de Shalimar qu'elle construisit sa légende, ouvrant la voie à toutes celles qui rêvaient de voir disparaître les organes génitaux masculins dont elles avaient hérité « par erreur », comme à celles qui désiraient vivre en femme en dépit d'eux. Tout jeune, Jacques Charles Dufresnoy, né à Paris en 1931, n'a pas souffert de cette « dysphorie de genre », comme la nomme la psychiatrie aujourd'hui. Son père, laveur de vitres, et sa mère, ouvrière, fichaient une paix royale à ce garçon si calme, occupé à dévorer les magazines de mode et à jouer à l'épicière. C'est en entrant dans un collège non mixte que l'adolescent ne se sent plus à sa place. Il le fuit donc pour débuter dans un salon de coiffure de la rue Blondel, et peaufine son sens du glamour hollywoodien en reproduisant les coupes de Marilyn Monroe et de Martine Carol sur ses clientes. Mais son père, furax de le découvrir parmi ces « dames de Pigalle », l'en arrache. Et, croyant le détourner de ses passions « suspectes », le fait engager au viril Automobile Club de France, place de la Concorde. C'est là, en réalité, que Jacques aura une double épiphanie. De ses flâneries rue Royale date son goût incorrigible pour le luxe et les fourrures – sa ruine. La vraie révélation vient à lui sous la forme d'une crinière blonde ondoyant sur une silhouette longiligne, alors qu'il rêvasse devant l'hôtel Crillon. Il s'agit de Lucrèce, sublime travesti qui lui fait alors la plus fondamentale des confidences : on peut naître homme et se vivre en femme. Enhardi par cette découverte – il n'est pas seul –, Jacques fait son baptême du feu. Il va boire un thé en terrasse, vêtu d'une merveille de petit tailleur, sous les encouragements d'une certaine Monique, ex-cliente de la rue Blondel qui lui ouvrira les portes de chez Madame Arthur et de la gloire en 1949, à tout juste 18 ans.
« Je bravais tous les préjugés d'une façon spectaculaire »

Dès lors, rien ne sera plus comme avant. Après des débuts maladroits « en Tahitienne » au célèbre cabaret de la rue des Martyrs, le jeune artiste trouve vite un style et un répertoire inédits, même si, déjà, la brigade des mœurs veille. La loi tolère ces établissements dans la mesure où s'y produisent des transformistes (qui se déguisent), mais pas des travestis (en vêtements de femme). Peu importe ! Il y a toujours moyen de ruser pour être la plus belle. Son élégance est telle que Coccinelle s'envole pour le très chic Carrousel, rue du Colisée, où accourt le Tout-Paris. C'est le « début de la période la plus faste de ma vie », écrit-elle. Bientôt, la persévérance des travestis a raison de la loi : sur scène, tout est désormais permis. « Ce fut une débauche de paillettes, de plumes et de strass », de vrais défilés qui rivalisent d'extravagance et de raffinement haute couture. La meneuse de revue ne parle plus d'elle-même qu'au féminin et ose plus que les autres avec un show en micro-maillot, acclamé. On chuchote que c'est une femme, « une vraie ». Elle exulte. Coccinelle va toujours plus loin, portant son rouge néon Lancôme et ses fourrures, de jour comme de nuit. Une audace rarissime et illégale qui en fait une pionnière, un modèle qui prend sous son aile Capucine et Bambi pour qu'elles se lancent, elles aussi. Dans un documentaire de Sébastien Lifshitz (auteur du récent « Petite Fille »), Bambi, son amie chère, témoigne : en 1952, dans la troupe du Carrousel, « il y a Coccinelle. C'est une petite Parisienne extraordinaire, elle est habillée complètement en femme, on parle même d'elle au féminin. Tout ce qui était du domaine du rêve est alors devenu réalisable ».

Mais la Mondaine est toujours sur ses talons, guettant son arrivée en taxi rue du Colisée. « Non seulement je bravais tous les préjugés de l'époque, mais je le faisais d'une façon spectaculaire. C'était ça surtout qu'ils ne digéraient pas. […] Cela ne m'empêchait pas de dormir », balaie-t-elle. Elle poursuit le modelage de son corps. À l'aide d'injections d'ovocycline et de comprimés de Distilbène qui lui donneront nausées et jolis seins. À coups de bistouri aussi, grâce au Dr Claoué, dont un mannequin de Dior lui chuchote l'adresse. Elle lui confie ses oreilles et son nez, avant de lui demander, plus tard, « des yeux à la Loren », qui lui feront perdre sa ressemblance troublante avec Marilyn, mais la rapprocheront de son autre idole, Brigitte Bardot, dont elle a adopté « le charmant uniforme comme toutes les midinettes de l'époque ». Au point qu'on la prend pour l'original. Sa simple présence crée des émeutes et rien ne l'amuse plus. Chez Maxim's ou à la Tour d'argent, elle ne se prive pas de faire plusieurs allers-retours aux toilettes pour susciter des réactions, admiratives ou choquées. « Que m'importait, du moment qu'on parlait de moi. »
Robert Badinter à ses côtés

Elle côtoie le beau monde et a les hommes à ses pieds. « Cakes » (amants), « chichis hébétés » (sugar daddies)… elle a pour eux une boulimie que seul égale son amour de la bonne chère. Mais elle éconduit ceux qui voudraient l'enfermer dans un harem doré. C'est une grande amoureuse et elle attend le prince charmant. Or, c'est finalement l'armée qui l'alpague, comptant la réassigner au devoir de son sexe. Examinant cette sublime blonde platine aux formes harmonieuses, le médecin militaire aura cette phrase : « Ma petite demoiselle, il ne faut pas rester comme ça. Il faut faire quelque chose. » Déclic supplémentaire dont elle trouve la résolution en 1959, dans le hall du Negresco, à Nice, en rencontrant Jenny, qu'elle avait connue petit électricien. C'est elle qui lui indique la Clinique du parc, à Casablanca. Elle y « fonce sans l'ombre d'une hésitation », après avoir vendu quelques visons pour payer cette opération interdite en France. Au réveil, la souffrance est vive, « mais quel baume sur les plaies à vif que de se savoir enfin libérée de cet encombrant morceau de chair avec lequel on n'aurait jamais dû naître ! […] Enfin femme, enfin femme… », se répète-t-elle comme une incantation.

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© Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty

À son retour, toutes ses amies l'observent, lui prédisant six mois de vie, avant, pour beaucoup, de l'imiter un an plus tard. « Je fus une sorte de cobaye », note-t-elle. Nouvelle naissance, nouveau baptême : elle accédera au changement d'état civil grâce au combat judiciaire de son avocat, Robert Badinter, à la faveur d'une ambiguïté de la loi. Elle peut enfin passer les frontières pour ses tournées et surtout épouser, le 10 mars 1962, le journaliste sportif Francis Paul Bonnet, à la vue duquel « son cœur bat comme un fou ». Le mariage fera long feu et deux autres suivront. Mais son opération « fait l'effet d'une bombe » dans la presse et sur sa carrière, lui ouvrant les scènes du monde entier, du cinéma et de la chanson. Coquatrix lui dédie le spectacle « Chercher la femme », à l'Olympia. Elle a ses coteries partout, bronze, seins nus, sur la terrasse de Charles Trenet à Juan-les-Pins. Michel Simon, la Callas et Onassis, Piaf, Maurice Chevalier, Marlène Dietrich, Bob Hope dînent à sa table.

La surmédiatisation a cependant un revers que lui reprocheront certains trans, et c'est toute l'ambiguïté de son legs. Juges et médecins ont désormais l'œil et la main sur ces affaires. Le processus de changement d'état civil est, aujourd'hui encore, conditionné à une stérilisation. En 1975, la transsexualité entre dans la liste des troubles mentaux de l'OMS. Et, depuis 1979, un suivi psychiatrique de deux ans est nécessaire pour avoir accès à un traitement hormonal. La communauté trans actuelle déplore aussi que la pluralité des parcours soit occultée par l'image glam et extraordinaire que Coccinelle a laissée derrière elle. Son désir démesuré de séduire serait un symbole des diktats de genre auxquels toutes les femmes sont soumises. Reste que pour cette personnalité flamboyante, l'anonymat était aussi insupportable que d'être considérée comme un homme. Jusqu'à la fin de sa vie, en 2006, elle ne pourra se passer de ces « coccinellades » qui ont donné des ailes à tant d'autres.

* « Coccinelle par Coccinelle » (éd. Filipacchi).

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