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Convocation du RH


Je dessinais minutieusement sur mon ordinateur de travail, afin de mettre à jour le réseau électrique de la base de données informatique d'EDF, lorsque mon téléphone de bureau sonna. Je travaillais alors au service de cartographie, où j'avais été mutée d'office, suite à une paire de gros pétages de plomb, lorsque je travaillais sur le terrain. Dans le but d'amadouer ma hiérarchie et prouver ma bonne foi, j'avais entrepris également une psychothérapie, qui se révéla utile par la suite. Ce nouveau travail me convenait parfaitement et ma collègue de bureau était sympa. Bref, je décrochais le combiné du téléphone. Le responsable du service RH me priait de le rejoindre dans son bureau dès que possible. Je me suis alors demandé la raison de cette convocation. Que se passait-il ? En réalité, pour être honnête, j'avais ma petite idée sur la réponse.

Tout d'abord, à cette époque, c'est-à-dire en 2006, j'avais décidé de prendre un look androgyne, histoire de passer partout sans encombre. L'important étant de pouvoir porter des fringues de fille, sans que cela se remarque de trop (je sais, c'était sournois). J'avais commencé les séances d'épilation laser, je prenais des œstrogènes et je me trouvais pas mal. Sans que personne le sache dans ma famille, ni au travail, j'avais commencé ma transition sans savoir encore jusqu'où je comptais aller. Mon unique but, à cette époque, était de me faire enlever ces satanés testicules, qui encombraient mon corps et mon esprit. Par tous les moyens ! Heureusement, j'avais pu rencontrer une jeune trans qui m'avait permis de faire la connaissance des bonnes personnes, au bon moment et d'obtenir, enfin, lors d'un entretien avec un psy ftm, le certificat me permettant de me faire enlever ces maudites roubignoles.

À l'époque, je travaillais à Avignon et je prenais mes RTT le mercredi dans le but de couper la semaine en deux. Ce jour-là, j'avais décidé d'aller faire des emplettes dans la zone commerciale, située à quelques kilomètres de là. J'avais fait ma première sortie en fille avec un ami à Arles quelque temps auparavant et cela s'était fort bien déroulé. Du coup, j'avais pris confiance en moi et j'avais décidé, ce jour-là, de porter une jupe longue. Tout se passa très bien et sur les coups de 11h30, je décidais de rentrer pour déjeuner. Le trajet de retour s'éternisant à cause du trafic routier, une torpeur s'insinua en moi. « Et puis zut ! Pas envie de renter chez moi pour manger, je suis à côté de mon boulot, je vais aller à la cantine et s'ils ne sont pas contents de me voir comme cela, tant pis pour eux. Après tout, J-P Gaultier fait bien défiler ses mannequins hommes avec des jupes ». Je me suis donc présentée, sûre de moi et j'ai pris mon repas comme si de rien était. Cela se passa très bien et une fois terminé, je retournais chez moi.

Lorsque je suis entrée dans le bureau du RH, je n'avais aucune idée de comment allait se passer cet entretien, mais j'étais sûre de moi et probablement aussi, un peu inconsciente des conséquences de ma décision. L'entretien se déroula très bien. Bien sûr, il me demanda des explications, me disant avec humour, que trente minutes après mon départ de la cantine, il connaissait la longueur de la jupe, sa couleur et les motifs imprimés. Je lui dis que j'avais commencé une transition, que le mois prochain, je partais faire une orchidectomie en Thaïlande et que non, je ne savais pas encore si je comptais aller plus loin. À la fin de l'entretien, il m'a dit cette phrase que je n'ai jamais oubliée « sachez que nous vous jugerons uniquement sur votre travail », puis nous nous sommes serrés la main et je suis retournée terminer la mise à jour de mon dossier. Ouf, une bonne chose de réglée !

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Michèle